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Synthèse sonore analogique par voie optique

Un son est une vibration mécanique qui se propage sous forme d'onde de pression / déformation au sein d'un milieux matériel comme l'air, l'eau, la terre, le bois, le verre, l'acier... Pour être perçue par l'oreille humaine, cette vibration doit avoir une fréquence comprise entre 20 Hz et 20 000 Hz.

Dans le domaine audio ou en électro-acoustique (analogique), le son est représenté par des signaux électriques, "images" électriques de ces vibrations mécaniques. Il s'agit la plupart du temps de tensions qui varient, vibrent, oscillent presque exactement comme le son qu'elles imitent.

N'importe quel signal électrique de fréquence située dans le domaine audible est donc susceptible d'être amplifié et entendu. N'importe quel capteur, pourvu que sa bande passante contiennent le domaine de l'audible peut créer de tels signaux. N'importe quel phénomène physique vibrant dans cette gamme de fréquence pourra donc être écouté, pourvu qu'un capteur existe.

Cet article rend compte de quelques recherches et expérimentations autour de la génération et du transport de signaux audio directement à partir de la mesure optronique d'une lumière modulée en amplitude. Je présente ici un montage à base de photodiode, propre à convertir les fluctuations d'amplitude d'une lumière en signal sonore.

On peut aussi moduler la lumière avec des moyens mécaniques par la réflexion d'un faisceau lumineux sur des motifs imprimés tournants ou défilant, des miroirs oscillants ou autre objet vibrant, et "écouter" ces variations par des moyens optroniques. Des oscillateurs ou générateurs de bruits ou de beats optiques peuvent être envisagés.

Réciproquement, on peut moduler en amplitude un faisceau lumineux (une led, un laser) afin qu'il reflète exactement les variations d'un signal. Je donne ici un exemple d'une perfectible mais possible implémentation.

Le son sur film utilise le même principe et la transmission numérique sur fibre optique d'aujourd'hui n'est pas loin.

Ces expériences ont été exposées à la galerie Transformers du 23 nov au 2 déc 2018 à Bruxelles. Des étudiants de l'ERG en arts numériques, accompagnés de Marc Wathieu leur professeur, m'ont fait le plaisir d'une visite pendant laquelle ces sujet ont été approfondis. Voici une galerie flickr qui rend compte de cette sympathique rencontre. Merci pour les photos Marc !


Photo : Benjamin Vié, 2018

Mesurer la lumière : La photodiode

Une photodiode est un composant semi-conducteur opto-électronique qui crée un faible courant électrique proportionnel à l'éclairement reçu.

J'ai utilisé la BPW34 qui est relativement bon marché (photo ci-dessus).

Son pic de sensibilité se situe à 900nm dans le proche infrarouge mais elle reste sensible jusque dans le visible (au rouge et au vert, mais peu au bleu). Elle donne une réponse presque linéaire par rapport à l'éclairement ce qui en fait un composant parfait pour faire des mesures (luxmètre, posemètre) et traduire fidèlement les niveaux d'éclairement. Son temps de réponse est extrêmement court, de l'ordre de 100 nanoseconds pour celle que j'ai utilisé mais il y en a de beaucoup plus rapides, ce qui est bien pour les applications haute fréquence.

Deux modes de fonctionnement sont possibles pour la photodiode. Ils correspondent à deux phénomènes quantiques différents qui adviennent en son sein lors de l'interaction entre les photons (de la lumière) et les électrons (du matériaux semi-conducteur) :

Je ne suis pas capable d'expliquer dans le détail ces phénomènes, mais l'idée générale est que les photon incidents, s'ils possèdent une energie suffisante, peuvent potentiellement déloger des électrons de leur position stable dans le matériaux semi-conducteur. Ces électrons, mis en mouvement par cette perturbation, sont à la base du micro-courant que nous exploitons.



Montage

On observe sur le schéma ci-dessous que l'anode de la photodiode est connectée à une tension négative. Nous sommes dans le second cas : ce montage repose sur le phénomène de photo-conductivité. En utilisant ce mode, la photodiode donne son meilleur temps de réponse et sa meilleure linéarité, au prix d'un bruit plus élevé (mais filtrable) et d'un "courant d'obscurité" plus important (pas gênant pour nous).

Le mode photo-voltaïque est plus intéressant si on cherche plutôt à mesurer de très faibles niveaux d'éclairement avec la contrepartie d'un temps de réponse moins bon et d'une réponse non-linéaire.

Comme c'est l'intensité qui varie linéairement avec l'éclairement et que l'on préfère plutôt manier des tensions, il faut d'abord convertir ce faible courant en tension électrique. Un premier étage du montage au doux nom d'amplificateur trans-impédance effectue cette opération. Il est réalisé avec un AOP performant (faible bruit, faible distortion...). Cet étage s'occupe également d'atténuer le bruit haute fréquence venant de la photodiode.

Cette tension est ensuite débarrassée de sa composante continue par un condensateur de liaison. On ne garde que les variations de tension autour de 0 V. Pour nous, cela signifie que le système n'est plus trop dépendant du niveau de lumière ambiant, pourvu qu'il soit stable. Seules les vibrations autour du niveau ambiant sont transmises.

On peut finalement amplifier et éventuellement filtrer pour obtenir un signal au niveau voulu (niveau ligne).

Voici le schéma du montage (il faut ajouter les condensateurs de découplage de l'alimentation). Une alimentation symétrique est nécessaire (entre -/+4,5 V et -/+ 12V) mais une alimentation 12 V simple peut suffire moyennant l'emploi d'une masse virtuelle.

Compte tenu du gain total élevé, on veillera à garder les connexions aussi courtes que possibles pour minimiser le bruit et les interférences. Si la photodiode doit être éloignée du montage, un câble blindé, voire une câble coaxial est très souhaitable.

J'aurais pu faire appel à un capteur de lumière plus connu, plus simple d'emploi, peu onéreux et facilement disponible : la photorésistance (ou LDR). Cependant ces capteurs ont un temps de réaction assez mauvais et leur réponse ne varie pas linéairement avec l'éclairement, ce qui va est un désavantage par rapport à nos besoins. On peut néanmoins espérer des résultats, étrangement. Je n'ai pas fait mes propres mesures, cependant voici une page intéressante sur les LDR.


Sonde optique et disques imprimés rotatifs

Voici une idée de sonde manuelle (un capteur optique en réflexion) :



En survolant un disque imprimé, mis en rotation par un moteur, le spot va éclairer un motif graphique en défilement rapide et va très rapidement "clignoter" selon l'encrage. On devine que la forme du motif graphique, sa régularité, son niveau de détail, son contraste et sa vitesse de défilement jouent sur la forme du signal audio obtenu. Les motifs répétitifs conduiront plutôt à sonner comme des notes de timbres divers, les motifs aléatoires donneront plutôt des bruits, de textures diverses.

On peut se convaincre que la forme de la tâche lumineuse (précision du pinceau de lumière) va également jouer sur les résultats. Les plus hautes fréquences ne seront efficacement lues qu'avec un pinceau de lumière très fin. On peut même dire que le diamètre de la tâche devrait théoriquement être égal ou inférieur à la longueur d'onde (spatiale) de la fréquence maximale que l'on désire capter. On pourrait raffiner et équiper la led et la photodiode de systèmes optiques pour obtenir un spot très petit, très net et une mesure optimisée...

Avec son temps de réponse ultra-court, la photodiode suit instantanément toute fluctuations de la lumière. Elle continuerait à le faire d'ailleurs à des fréquences bien plus élevées que celles du son.

Si n'importe quel visuel peut être "écouté" par ce biais, avec des résultats entre bruits et sons, on peut calculer et dessiner des motifs graphiques par ordinateur et maîtriser assez finement les choses. Il a été possible de faire des disques d'onde avec une gamme chromatique par exemple (en haut à gauche). Une générateur interactif est proposé plus bas. J'ai également imprimé des disques spiralés à partir des données de samples contenues dans un fichier audio, tel un disque vinyle : images en haut à droite. Ces travaux sont en cours, notament le système de lecture du vynile. Il faut en effet garder le spot lumineux sur la piste et donc automatiser le déplacement du senseur.





À propos de la vitesse de rotation du disque :

À propos de la fréquence spatiale :

Générateur interactif de disque à gamme chromatique

Une chose intéressante dans ce module interactif est l'équation de la gamme chromatique (gamme constituée de 12 notes séparées d'un demi-ton).

Cette équation prend une note en entrée (un nombre entier, éventuellement négatif) et retourne sa fréquence en Hz (en partant d'une note 0 choisie arbitraire). Ici j'ai choisi un Do (C3) à 130.813 Hz comme note de départ, la note 1 correspondra donc à un Do♯, etc.

$$ f(note)_{Hz} = 130.813 \times \sqrt[12]{2}^{note} $$

Intéressante et compréhensible présence de la racine douzième de deux, qui vaut approximativement 1.0594630943593. On peut peut-être plus simplement écrire :

$$ f(note)_{Hz} = 130.813 \times 1.0594630943593^{note} $$

Comme chaque note est dessinée sur un cercle, et qu'on souhaite une espacement égal entre chaque case noire, les fréquences dessinées seront toujours entières. Cela entraîne des problèmes de justesse irrémédiables à basse fréquence mais la précision augmente rapidement avec les octaves. À partir de C3 avec 6 tours/sec cela devient acceptable à l'écoute.



Clic droit : enregistrer ou télécharger l'image sous... (png, 4000 x 4000 px => disque Ø=338mm @ 300dpi)

Modulation électrique d'un faisceau lumineux

Ceci est l'opération inverse de celle effectuée par le montage précédent. Ici, on transforme un signal audio en vibration lumineuse "analogue" propre à être "écoutée" à distance par un montage à photodiode.

Il nous faut maîtriser l'éclairement produit par une LED ou un laser. Comme l'illustre le diagramme suivant, cet l'éclairement est quasiment proportionnel au courant électrique qui la traverse :




Il nous faut donc générer un courant proportionnel à la tension audio. Idéalement, nous souhaiterions pouvoir ajuster indépendamment l'amplitude des variations et le niveau constant autour duquel ces variations varient. Tout ceci peut-être accompli par un montage tel que celui-ci :


Expliquons un peu le convertisseur tension > courant :

Quelques remarques à propos de ce schéma :


Photo : Benjamin Vié, 2018